Formation civique des
officiers: le rapport de synthèse
L'Observateur Paalga (Ouagadougou)
ACTUALITÉS
10 Septembre 2002
Publié sur le web le 10 Septembre 2002
By Les Participants
Du 3 au 5 septembre courant, s'est déroulé à Ouaga 2000 un séminaire de
formation en instruction civique des cadres militaires financé par la fondation
Konrad Adenauer. Pendant trois jours, les officiers ont appris de nombreux
principes chers à l'Etat de droit. Nous vous proposons la synthèse de ces 72
heures d'échanges.
Les mutations intervenues dans le monde depuis cette dernière décennie ont
influencé considérablement les relations entre le pouvoir politique, la société
civile et les forces de défense et de sécurité.Ainsi, l'on peut observer que
beaucoup de pays, dont ceux de la sous-région ouest africaine, traversent une
phase de transition.Une telle dynamique oblige les pouvoirs à revoir leur
approche des forces armées, notamment leur place et rôle au sein de la société
et les valeurs qu'elles se doivent d'incarner. C'est dans un tel contexte que
les 3, 4 et 5 septembre 2002 s'est tenu à Ouagadougou, dans la salle de
conférences de Ouaga 2000, l'atelier de formation en instruction civique des
cadres militaires, élargi à ceux de la police, de la douane et des eaux et
forêts, sur le thème «Démocratie et esprit citoyen».Au cours des trois jours
d'échanges, l'on retiendra avec beaucoup d'intérêt les points développés dans
les deux temps forts qui ont marqué cet atelier :1 - La cérémonie d'ouverture2
- les communications et les débats.1 - De la cérémonie d'ouvertureLa cérémonie
d'ouverture est intervenue le mardi 3 septembre 2002 sous la présidence de M.
le ministre de la Défense, avec la participation de mesdames et messieurs les
ministres de la Promotion des droits humains, de la Fonction publique et de la
Réforme de l'Etat, de la Sécurité, de la Justice, garde des Sceaux, et du
secrétaire général du gouvernement et du Conseil des ministres. Deux
interventions ont ponctué cette cérémonie qui a connu en outre la participation
de nombreuses autorités militaires, paramilitaires et civiles.La première
intervention fut celle de M. Thomas Lütke Entrup, représentant résident de la
Fondation Konrad Adenauer.Dans son propos, il a tenu à féliciter le ministère
de la Défense pour les multiples efforts consentis en vue de l'instruction
civique des cadres militaires et se traduisant par la tenue du présent atelier
qui vient à la suite du colloque international organisé en 1996.Après avoir
rappelé le cadre dans lequel s'inscrit l'action de sa fondation, et insisté sur
les objectifs poursuivis par le programme d'éducation civique dans les
casernes, il a réaffirmé la disponibilité de sa fondation à toujours soutenir
l'armée dans ses fonctions de défense et d'acteur du développement face aux
exigences de la démocratie. L'honneur est revenu à monsieur le ministre de la
Défense de procéder à l'ouverture solennelle des travaux de l'atelier. Ainsi,
il a dans son allocution regretté le contexte actuel africain marqué par de
multiples crises dans lesquelles les militaires jouent malheureusement un
certain rôle, sinon un rôle certain, avec en corollaire des comportements aux
antipodes des principes élémentaires de la démocratie et de l'Etat de
droit.Aussi, une nouvelle approche du rôle des forces armées s'impose, a-t-il
poursuivi. C'est donc sous cet angle que peut être perçue l'organisation du
présent atelier en tant qu'opportunité d'échanges sur les exigences de l'Etat
de droit.Il a terminé son intervention en remerciant les membres du
gouvernement et les autorités paramilitaires qui ont honoré de leur présence la
cérémonie d'ouverture. A la Fondation Konrad Adenauer il a exprimé toute sa
reconnaissance pour l'appui combien précieux à la tenue du présent atelier qui
renforcera les connaissances des chefs militaires dans le domaine des valeurs
républicaines.2 - Des communicationsAu cours de la journée du 03 septembre
2002, les participants ont eu droit à deux communications.2-1 «Esprit citoyen
et renforcement de la démocratie»Ce thème a été traité par M. Mélégué Maurice
Traoré, député à l'Assemblée nationale. Selon M. Traoré, son approche ne peut
être perçue que sous l'angle d'une définition de pistes pour mieux cerner la
problématique. Mieux, la tentative de concilier la démocratie et l'esprit
citoyen révèle les insuffisances de certaines approches simplistes qui tendent
à limiter la démocratie aux élections.S'il est vrai que ce qui caractérise la
démocratie ce sont les institutions, on peut affirmer qu'elle est surtout le
fait des conquêtes faites pour les libertés. Toute chose qui constitue l'un des phénomènes majeurs de la dernière
décennie dans l'espace des Etats. Dans ce sens, il a fait remarquer que
ces conquêtes ont transformé la vie dans les Etats, tout se justifiant par et
pour la démocratie.Ramenant le débat au contexte de notre pays, M. Mélégué
Traoré a fait remarquer la limite de l'emprise des lois sur l'ensemble du
territoire du fait de certaines pesanteurs sociales.Malgré la multiplicité des
ethnies, la nation se construit sans heurts, ce qui n'est pas le cas dans
certains pays. C'est ce contexte qui permet, à l'exemple du présent atelier,
que des officiers se réunissent sans difficultés.Faisant le lien entre la
démocratie et l'esprit citoyen, M. Mélégué Maurice dira que l'esprit citoyen
est l'expression de la république et la démocratie, le levain de la
citoyenneté.Le renforcement de la démocratie passe donc par une vulgarisation
de l'information civique, le fonctionnement harmonieux des grands corps de
l'Etat, et l'élaboration d'un contrat entre le citoyen et la nation au regard
duquel chaque partie assumera ses engagements.Sur cette communication, les
préoccupations majeures des participants se sont situées au niveau des points ci-dessous.
Il s'agit de :- L'inquiétude face à la montée grandissante de l'incivisme et à
la déperdition de la vocation;- la contradiction entre les lois nationales et
les lois coutumières ;- la nécessité de promouvoir des relations saines et
responsables entre civils et militaires;- l'exploitation irresponsable de
l'ignorance des populations par certains politiciens;- l'édification de la
démocratie.A toutes ces préoccupations, le communicateur a apporté des réponses
appropriées avant de dégager quelques solutions en vue d'accroître le niveau de
civisme au Burkina Faso.Il s'agit de :- La réintroduction de l'instruction
civique dans les programmes des écoles primaires;- l'approfondissemennt du
processus de décentralisation;- l'ouverture de l'espace et des réalités
militaires aux civils;- la maîtrise des réalités sociologiques de nos
sociétés;- la prise en compte de l'expérience des autres peuples.2-2 «Les
institutions républicaines dans l'Etat de droit»Ce thème a été développé par M.
Lassané Sawadogo, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de
l'Etat.Après un rappel sur les éléments constitutifs du phénomène
institutionnel, il a passé en revue les institutions politiques du Burkina Faso
depuis la période des indépendances jusqu'à nos jours, en s'arrêtant sur leur
fondement constitutionnel.Il a ensuite abordé les institutions de la IVe
République, caractérisée par un type de régime parlementaire dualiste et par la
séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. La
charpente constitutionnelle est complétée par d'autres institutions à caractère
consultatif.Les débats ont ensuite porté sur :- Les mesures pouvant réduire les
pesanteurs sociologiques et culturelles se traduisant par l'influence de
l'appartenance clanique sur les opérations électorales ;- la montée du
phénomène de l'abstentionnisme lors des scrutins ;- la place du sacré dans la
constitution du Burkina Faso ;- et l'avenir des Etats face à la constitution
des grands ensembles.Selon M. Sawadogo, intervenant au sujet du régionalisme
dans les élections, la circonscription électorale apparaît comme un moyen
commode pour désigner l'élection des députés. Aussi, face au danger du
régionalisme, il pense que seule la maîtrise du terrain par les candidats à la
députation devrait constituer un critère de choix au niveau des populations, au
détriment de la théorie du fils du terroir.En ce qui concerne le phénomène
d'abstention, il relève l'existence de l'abstention politique, en tant que
rejet conscient du système politique et celle sociale.Enfin, il a estimé que le
sort réservé aux Etats c'est la disparition face à la constitution des grands
ensembles, toute chose qui consacrera le règne de l'économique sur le
politique.Pour la journée du 04 septembre 2002, trois communications ont eu lieu.2-3
«Chefferie traditionnelle et démocratie»Pour la troisième communication, M.
Sanou Doti Bruno, chercheur historien au Centre africain de recherche pour une
pratique culturelle du développement à qui il est revenu l'honneur de traiter
de ce thème, a fondé sa démarche sur la définition des concepts de démocratie
et de chefferie traditionnelle.Il s'est ensuite étalé sur l'évolution de la
chefferie traditionnelle depuis la période coloniale jusqu'à nos jours, puis
s'est interrogé sur la contribution de la chefferie traditionnelle à la
démocratie. En effet, selon le communicateur, la chefferie traditionnelle peut
contribuer à donner à notre démocratie ce que les historiens appellent la
réalité solide ou encore le sacré sans lequel aucune démocratie n'est viable.De
plus, par le biais de la décentralisation, de la promotion de la notion de pays
frontières, la chefferie traditionnelle peut participer au développement humain
durable.En revanche, selon lui, le système démocratique devrait aider la
chefferie traditionnelle en lui permettant de se remettre en question et de
s'actualiser.2-4 «Code de conduite du personnel des forces de sécurité et de
défense dans l'Etat de droit»Ce thème a fait l'objet d'un développement en
tandem par les colonels Bayala Brice et Diendéré Dominique, respectivement chef
d'état-major de l'Armée de l'Air et chef d'état-major de l'Armée de Terre.Après
une présentation du contexte dans lequel évoluent les forces armées et les
forces de sécurité, les communicateurs ont livré la genèse du code avec les
étapes principales de son élaboration, ses axes principaux, le processus de
mise en oeuvre.De même, ils ont évoqué les résultats attendus dans la recherche
de la stabilité socio-politique, et l'harmonisation des relations de confiance
entre forces armées, forces de sécurité et population civile.Puis, ils ont
abordé tour à tour : le cadre juridique et réglementaire des relations entre
civils et militaires, les rapports d'une part entre les forces armées et les
forces de sécurité et d'autre part entre les forces armées et de sécurité et
populations civiles, ainsi que les forces armées et de sécurité face aux droits
de l'homme et le droit international humanitaire.Enfin, les deux communicateurs
ont conclu, en souhaitant que ce code soit la condition première ou au moins
concomitante à la bonne gouvernance politique, à l'enracinement de la
démocratie, pour la création d'un espace de sécurité et de stabilité.Les débats
ont porté sur les modes, les moyens et les modalités de mise en oeuvre du code
au Burkina et en Afrique.2-5 «Esprit citoyen et prévention des crises et des
conflits»Pour ce thème, les participants ont eu droit à l'expérience de M.
Edouard Ouédraogo, directeur de l'Observateur paalga.Le communicateur a dans un
premier temps survolé les considérations anthropologiques de la violence entre
les hommes, puis s'est interrogé sur la typologie des crises et des
conflits.Selon M. Ouédraogo, les causes des conflits internes résident dans le
non-respect dans nos Etats des principes de bonne gouvernance démocratique.Face
à la complexité de ces nouveaux conflits, le communicateur pense que seuls
l'Etat concerné, ses institutions et ses citoyens sont les meilleurs leviers
pour des solutions opératoires.Quant aux conflits inter-étatiques, il a proposé
comme solution l'existence de mécanismes sous-régionaux ou internationaux,
comme cadres juridictionnels, diplomatiques ou politiques de prévention et de
gestion.En ce qui concerne le rôle de l'esprit citoyen dans la prévention des
crises et des conflits, il s'est intéressé à l'origine de la citoyenneté qui
est liée à la démocratie et peut renvoyer en outre à des considérations
symboliques.De plus, l'esprit citoyen ou encore conscience citoyenne comporte
selon le communicateur des idées positives, telles entre (autres) la
responsabilité sociale et politique, l'autonomie de conscience, la réflexivité
critique, la solidarité, l'amour de la patrie et de ses lois.Il poursuit en
élargissant la compréhension à l'esprit de laïcité qui consiste en
l'acceptation des diversités confesionnelles, au respect de la règle de droit
et à l'affectio societatis.M. Edouard Ouédraogo conclut en disant que la
prévention des conflits ne peut être efficace que dans la perspective d'une
démultiplication de l'action individuelle dans un cadre collectif, autrement
dit par une implication de toute la société.Les débats ont permis de tirer le
maximum de profit de l'expérience du communicateur en tant qu'acteur de la
société civile, et dirigeant d'une organisation non gouvernementale, à savoir le
GERDDES.Ainsi, de la situation à Madagascar à celle de notre pays relativement
au drame de Sapouy et à la multiplication des conflits sur des questions
foncières ou de succession, les participants ont été édifiés d'une part sur la
complexité des crises en Afrique et d'autre part sur les actions du GERDDES en
tant qu'élément de médiation.Enfin, pour la journée du 05 septembre 2002, les
participants ont eu droit à une seule communication, qui a clôturé la série.2-6
«Les lois et les règlements, fondements de l'Etat de droit»Pour cette dernière
communication, les participants ont bénéficié d'une expertise féminine, celle
de Mme Odile Bonkoungou, secrétaire général du gouvernement et du Conseil des
ministres, comme pour dire qu'une telle touche était indispensable pour
couronner en beauté cet atelier.Après un aperçu sur le concept de l'Etat à
travers ses éléments constitutifs et celui de l'Etat de droit durant la période
de 1980 à 1991 a été la véritable source d'instabilité politique. Cette
situation, a-t-elle relevé, sera rattrapée avec l'adoption de la constitution
le 2 juin 1991.Pour développer le sujet, Mme Bonkoungou a abordé les conditions
de réalisation de l'Etat de droit.Il en ressort que l'Etat de droit se
caractérise d'une part par l'existence de lois et de réglements conçus dans le
strict respect de la hiérarchie des normes et d'autre part par la connaissance
de ces textes par tous les citoyens.Elle a fait remarquer la nécessité que la
conception des textes soit mue par un souci d'efficacité, notamment à travers
la connaissance du droit antérieur, la prévision des moyens nécessaires à
l'application des textes et la cohérence du droit.Pour conclure, elle pense que
l'importance du nombre, la complexité des lois et règlements ainsi que la
maîtrise de leurs effets induits constituent le gage d'un Etat de droit.Les
débats autour du thème de cette dernière communication se sont focalisés sur la
situation de l'Etat de droit au Burkina Faso, l'application de certains lois et
règlements et la légalité de certains textes pris au niveau d'échelons
intermédiaires dans l'administration.On retiendra pour terminer, selon Mme
Bonkoungou, qu'une meilleure organisation de l'administration et l'intégration
de certaines fonctions indispensables à son efficacité constituent des mesures
à prendre ou à renforcer en vue de l'amélioration de la situation actuelle de
l'administration burkinabè. En conclusion, les participants ont salué
l'initiative de l'organisation d'un tel atelier et souhaité le renforcement du
partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer, dont l'engagement auprès des
forces armées constitue un précieux adjuvant pour l'approfondissement des
valeurs démocratiques au sein de l'institution militaire.Une recommandation
ayant trait d'une part au renforcement de l'instruction civique dans les écoles
et centres d'instruction et d'autre part à la prise en compte des objectifs du
projet de code de conduite dans les forces armées et une motion ont été
formulées. Les participants militaires ont tenu à saluer la présence remarquable
à leurs côtés de cadres de la police nationale et de la douane...
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