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Notions de liberté et d'égalité:
Souligner la difficile compatibilité des deux notions : comment la liberté
individuelle peut-elle s'accommoder de l'égalité devant la loi ? La liberté
sans égalité devant la loi soumet les plus faibles aux arbitraires des plus
forts.
L'un des mécanismes pour confier un mandat en démocratie est l'élection.
L'élection en démocratie suppose une concurrence entre diverses
candidatures, programmes, visions.
En démocratie la minorité est reconnue, est acceptée, n'est pas exterminée,
ni écrasée, elle a des droits. Par exemple : le parti ou le groupe mis en
minorité après une élection peut être considéré comme une minorité. Ce parti
ou ce groupe, constitue- au moins virtuellement- l'opposition. L'
opposition a des droits et des devoirs en démocratie.
Les citoyens participent au fonctionnement de la démocratie en participant
aux élections. Par-là, ils confient un mandat. Ils délèguent une part de
leur pouvoir de citoyens.
Au-delà des échéances électorales, les citoyens doivent agir quotidiennement pour améliorer les visions et les pratiques dans la gestion de la chose publique par l'élu.
Rationnellement et en fait, la démocratie est indissolublement liée à l'idée de liberté. Sa définition la plus simple et également la plus valable,
à savoir : le gouvernement du peuple par le peuple, n'acquiert son plein
sens qu'en considération de ce qu'elle exclut : le pouvoir d'une autorité
qui ne procéderait point du peuple. Ainsi, la démocratie est d'abord un
système de gouvernement qui tend à inclure la liberté dans le rapport
politique, c'est-à-dire dans les relations de commandement à obéissance,
inhérentes à toute société politiquement organisée.
L'autorité y subsiste sans doute, mais elle est aménagée de telle sorte que,
fondée sur l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure compatible
avec leur liberté.
Par-là même, se trouve établie cette valeur morale de la démocratie qui
autorise ses partisans à affirmer sa supériorité sur les autres formules
gouvernementales, puisqu'elle est seule à proposer pour assise de l'ordre politique la dignité de l'homme libre. Assurément, galvaudée par trop d'usages méprisables, l'affirmation paraît aujourd'hui sujette à caution. Il ne faut pas oublier cependant qu'elle fut, durant des siècles, le facteur le plus agissant
de rayonnement de l'idée démocratique. Depuis les canonistes du Moyen Age
jusqu'aux philosophes du XVIIIe siècle ,un leitmotiv ne cesse de revenir
dans les traités politiques comme dans les pamphlets de circonstance: les
rois sont faits pour les peuples et non les peuples pour les rois. Qu'est-ce à dire sinon que la personne des gouvernés prime l'intérêt des gouvernants et que, si l'autorité est nécessaire, elle saurait s'imposer sans titre
ni condition ? Et lorsque la declaration des droits 1789-1791 pose que "les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit", n'indique-t-elle
pas du même coup et la transendance de la liberté et l'obligation pour les
institutions politiques de s' en accommoder, quelles ques soient les
difficultés qu'elles puissent succiter à l'exercice du pouvoir ?
Une première conception de la liberté est celle qui la tient pour
équivallente à l'autonomie. Cette liberté-autonomie se traduit par l'absence
de contrainte par le sentiment d'une indépendance tant physique que
spirituelle. Sans doute, sa qualité varie selon le sens que lui donne
l'individu qui en jouit, selon l'usage qu'il en fait et la responsabilité dont
il l'enrichit. Mais toujours cette liberté est une disponibilité car elle est
la faculté grâce à laquelle l'homme dispose de lui-même. Or comme cette
autonomie est fragile, les hommes, depuis qu'ils réfléchissent à leur
condition, ont songé à la garantie sinon contre tous les risques qui la
menacent, du moins contre ceux qui naissent de l'existence même d'une
autorité polique. Ainsi est née une autre conception de la liberté que l'on
peut appeler la liberté-participation et qui consiste à associer les
gouvernés à l'exercice du pouvoir pour empêcher celui-ci de leur imposer des
mesures arbitraires.
Source: G. BURDEAU: La démocratie; pp.17-21 Des éléments indispensables pour une vraie démocratie
Chaque pays a un système démocratique adopté à sa propre histoire. Il y a cependant, certains éléments de base qui caractérisent les systèmes démocratiques dits modernes. Quels sont ces éléments ? Pour affirmer qu'un système politique est démocratique, il faut tenir compte de plusieurs éléments : C'est une condition nécessaire mais pas toujours suffisante pour avoir un régime démocratique. Cette condition est nécessaire parce que sans l'existence de plusieurs partis politiques, il n'y a pas de place pour les échanges constructifs d'idées et le contrôle effectif de la gestion de l'Etat par la population. Mais cette condition n'est pas suffisante car, il peut y avoir plusieurs partis politiques sans que ceux-ci aient un pouvoir ou un poids réel sur la gestion de l'Etat. En effet, le pouvoir peut appartenir à un parti tellement dominant et puissant, qu'il n'y a pas de place pour une réelle participation des autres partis politiques. Elle est aussi nécessaire pour que les différentes idées puissent s'exprimer. Elle est indispensable pour que les citoyens puissent être réellement informés des problèmes sociaux, économiques et politiques. Elle leur permet de demander des comptes à leurs gouvernants et d'assurer ainsi un certain contrôle de la gestion de l'Etat. Mais la multiplication des journaux de différentes tendances politiques n'est pas toujours une condition suffisante pour garantir la liberté d'expression et d'information des citoyens. Il faut encore que le gouvernement n'empêche pas les idées et les points de vue des gens de paraître et de s'exprimer dans ces journaux; il faut que les taxes et les impôts ne puissent pas empêcher le développement d'une presse indépendante du pouvoir. Il faut aussi que les journalistes soient bien formés et que les lecteurs soient capables d'analyser les informations qu'on leur fournit. Cette liberté d'organisation ne concerne pas seulement les partis politiques. Elle concerne aussi les associations, les coopératives, les syndicats . . . C'est dans ces organisations que les citoyens peuvent faire l'expérience de la démocratie, à condition que ces organisations aient un type de fonctionnement démocratique. Elles constituent avec les partis une force qui peut s'opposer au pouvoir excessif de l'Etat. Elles empêchent l'Etat d'imposer son pouvoir dans tous les secteurs de la vie sociale. Les élections permettent aux citoyens de choisir les personnes qui les représenteront. C'est une des formes de participation des citoyens aux prises de décisions et au contrôle de la gestion de l'Etat. Pour cela, les élections doivent être des élections au scrutin secret, c'est-à-dire que le choix de chaque citoyen est tenu secret. Le gouvernement légitime est celui qui est élu à intervalles réguliers par la majorité des citoyens qui ont participé aux élections. Les gouvernements battus aux élections doivent accepter de quitter le pouvoir et de laisser la nouvelle majorité gouverner le pays. L'alternance du pouvoir est un bon signe de démocratie. L'Etat doit être un Etat laïque, c'est-à-dire qu'il ne doit pas être sous l'autorité d'une religion. Mais cette séparation ne doit pas être comprise en termes de conflits entre l'Etat et les institutions religieuses. Il s' agit au contraire d'organiser la coexistence entre l'Etat et toutes les croyances. L'Etat ne doit pas faire de distinction entre les croyants et les non croyants, il ne doit pas établir de différence entre les religions. L' Etat doit se placer au-dessus des partis politiques. Ses moyens ne doivent pas être détournés au profit du parti au pouvoir. Les ministres qui exercent des responsabilités dans un parti ne doivent pas utiliser les biens de l' Etat pour financer ou organiser les activités de leur parti. Les gouvernants doivent apprendre à distinguer entre leurs responsabilités d'hommes d' Etat et celles de membres de partis politiques. Cela est souvent difficile à réaliser. L' existence et l'application de lois sur l' utilisation des biens de l' Etat et des collectivités publiques pourraient, par exemple, aider les gouvernants à s'habituer à faire ces distinctions indispensables. Source: Michel Lambotte: AGRIPPROMO (Extrait), N°84, Janvier 1994, pp. 5-7Texte 3
1789 : prise de la Bastille. Un symbole de l'oppression du peuple par l'arbitraire du prince est éliminé par la violence. Une nouvelle ère commence avec la Révolution française. L'Assemblée Nationale française adopte la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen dont l'article 1er proclame : » Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits «.
1989 : chute du Mur de Berlin. Le symbole de la confrontation Est-Ouest est
pacifiquement éliminé. Une nouvelle ère s'ouvre. Les valeurs fondamentales
de l'Occident - la démocratie et l'économie de marché - semblent triompher
dans le monde entier. Mais la crise du Golfe, la guerre en ex-Yougoslavie et
les conflits dans les Etats de la CEI viennent tempérer l'enthousiasme du
début. Les chances et les risques de la révolution développent leur propre
dynamique. Dans les années cinquante, l'expansion économique et technologique a fait du monde un « grand village » qui prend peu à peu conscience des limites de la croissance (Club de Rome 1972). (. . .) Comme le montrent les exemples du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie, l'Etat de droit, la démocratie et le respect des droits de l'homme ne sont pas garantis une fois pour toutes. Il faut sans cesse lutter pour conserver ces valeurs. On ne peut pas non plus transposer mécaniquement des systèmes gouvernementaux, comme s'il s'agissait de recettes magiques pouvant s'appliquer indifféremment à un pays ou à un autre. Un dialogue est toutefois indispensable entre les cultures du Sud et du Nord, entre l' Extrême-Orient et l' Europe car, du fait du choc du développement, les valeurs traditionnelles se heurtent en de nombreux endroits aux modèles de consommation ou de communication les plus modernes. Il existe toutefois deux règles de base qui resteront valables malgré tous les changements futurs : «Democracy works best» et «Tous les droits de l' homme sont universels, indivisibles et interdépendants» (Conférence de l' ONU sur les droits de l'homme, Vienne 1993). Source: Adrian HADORN : La Suisse + Le Monde (Extrait), n°2/1995, pp.3-4
Brève histoire des idées Au XIIIe siècle déjà, des textes codifiant les libertés ont été élaborés en Angleterre. Ces chartes, telle la « Magna Charta Libertatum », limitaient l'absolutisme du pouvoir. D'autres ont suivi : la « Petition of Rignts » (1627), » l'Habeas Corpus » (1679) et enfin le "Bill of Rights" de 1689 avec un premier catalogue réduit de droits fondamentaux. Ces textes ne contenaient pourtant encore aucun principe philosophique des libertés individuelles considérées comme des privilèges conférés à tout homme. Ce n'est qu'au XVIe siècle, lorsque les théologiens espagnols Francisco de Vitoria et Bartolomé de las Casas défendirent les droits des indigènes d' Amérique, que l'on aboutit à ce que les libertés soient vues comme des droits universels. Le juriste Vasquez de Moncloa formula quant à lui la notion de iura naturalia selon laquelle chaque individu est doté par la nature de droits inaliénables. Ce concept du droit naturel a été développé par le père du droit international moderne, Hugo Grotius, ainsi que par Samuel Pufendorf et John Locke. Ces auteurs ont influencé, au XVIIIè siècle, l'idée de Jean-Jacques Rousseau d'un contrat social entre le souverain et ses sujets. Ils ont également inspiré Montesquieu dans son concept de la séparation des pouvoirs. La Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen adoptée en France en 1789 est la première à utiliser l'expression Droits de l'homme et reflète la théorie émergente de leur universalité. De sujet, l' homme devient citoyen ; la liberté d'établissement, la liberté d'expression et la liberté religieuse sont garanties. Au XIXè siècle, les excès de la révolution industrielle ont créé un besoin de coopération internationale afin de protéger les travailleurs. Après la Seconde Guerre mondiale, la conception traditionnelle selon laquelle il revenait aux Etats de déterminer le traitement applicable à leurs citoyens a été définitivement dépassée. Dans la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, les Etats membres s'engagent à respecter les droits de l' homme. C'est le 10 décembre 1948 qu' a été adoptée la Déclaration universelle des droits de l'homme. cette date marque depuis lors la Journée internationale des droits de l'homme. Bien que la déclaration universelle des droits de l' homme ne soit pas contraignante au sens du droit des gens, la majeure partie de son contenu est considérée comme faisant partie du droit international coutumier. Différentes conventions élaborées depuis lors aux niveaux universel et régional obligent les Etats contractants à respecter les droits civils et politiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels. Les droits de l'homme constituent donc un élément de droit des gens universel et culturels. Les droits de l'homme constituent donc un élément de droit des gens universel et tout être humain peut s'en prévaloir (universalité). Au niveau européen, ils sont définis dans la Convention européenne des droits de l' homme et des libertés fondamentales (CEDH) que la Suisse a ratifiée. Source: Hanspeter MOCK La Suisse + Le Monde (Extrait), n°2/1995, p.4
La démocratie aujourd'hui (…) La démocratie ne va pas de soi. Gouvernement du peuple par le peuple, il n'est pas évident qu'elle soit une valeur, ou une valeur absolue. Car on peut faire de la démocratie une critique de "gauche" ou de "droite". Une critique de droite consisterait à y faire voir un mauvais système de gouvernement, une contre-valeur absolue et le signe d'une déchéance politique au regard, par exemple, de la monarchie de l'aristocratie ou de l'oligarchie. On trouve un bon exemple d'une telle critique dans la République de Platon. Une critique de gauche, par contre, commencerait par faire sienne l'exigence égalitaire qui fonde tout système démocratique, pour en montrer cependant aussitôt les limites. L'égalité de droit n'est qu'une égalité formelle ; il reste à lui donner un contenu concret, à la traduire matériellement dans la réalité sociale et économique. De cette critique de "gauche", on trouve non seulement un exemple, mais l'illustration jusqu'ici la plus éloquente, chez Marx et dans la tradition marxiste. Toutefois, au-delà de la critique théorique, qu'elle soit de "gauchée ou de "droitée (et toutes réserves faites sur le sens que peuvent avoir aujourd'hui ces notions, peut-être un peu trop commodes, et d'une fausse simplicité, de "gauche" et de "droite"), l'expérience historique accumulée au cours des derniers mois dans les pays de l'Est et dans quelques pays du Tiers-Monde, dont le Bénin a brutalement remis à l'ordre du jour la question de la démocratie. D'un mot, je dirai simplement qu'on ne peut plus aujourd'hui avec la même assurance, même si l'on est marxiste, surtout si l'on est marxiste, écarter d'un revers de main l'exigence démocratique sous prétexte qu'elle serait bourgeoise ou petite-bourgeoise ; et que la marche réelle de l'histoire oblige à prendre en compte l'aspiration universelle des peuples à la liberté et à la responsabilité. Je dirai que cette exigence s'impose aujourd'hui à tous, par delà le heurt frontal des idéologies, et qu'elle oblige à repenser la fonction même de l'idéologie en général, des idéologies révolutionnaires en particulier, dans l'histoire des hommes ; qu'elle appelle, plus exactement, une réflexion sur l'idéologisme, comme abus et perversion de l'idéologie, enfermement dans l'idéologie, mystification conscient ou inconsciente au moyen et sous l'effet de mirage des valeurs idéologiques. (. . .) Mais il faut admettre, d'autre part, qu'entre l'idéologisme et son contraire, entre le délire verbal et l'empirisme tâtonnant, il y a place pour l'analyse : pour l'analyse concrète des situations concrètes, c'est-à-dire, finalement, pour une théorie qui permette de comprendre les mécanismes de l'exploitation, l'origine et les formes de reproduction de l'inégalité, afin de les combattre ou, tout au moins, de les corriger. Une bonne compréhension de l'exigence démocratique et de ses implications concrètes dans le Bénin d'aujourd'hui suppose en outre une critique de la quotidienneté, qui reste à faire. Il faut analyser, en particulier, les mécanismes subtils de psychologie collective par lesquels tout un peuple intériorise progressivement les valeurs mêmes qui l'oppriment. Nous avons tous eu peur, à un moment ou à un autre, nous avons appris à taire notre révolte intérieure, à nous incliner devant l'injustice et l'arbitraire. Nous avons appris à "avaler des couleuvres" accepter l'inacceptable, et faire de nécessité, vertu. Nous avons même pris l'habitude de quémander comme des faveurs des droits qui comptaient parmi les plus naturels et les plus imprescriptibles. Ainsi triomphent les dictatures, avec la complicité des victimes. Et si la démocratie est un défi c'est peut-être d'abord pour cela : parce qu'elle suppose non seulement l'affrontement de la machine répressive, la dénonciation sans complaisance et la lutte pratique contre la barbarie triomphante, mais aussi, mais d'abord, que nous fassions sur nous-mêmes le travail intérieur préalable nécessaire pour nous libérer de la peur et devenir enfin ce que nous n'avons peut-être jamais été : nous-mêmes. Source: Paulin J. HOUNTONDJI : Afrique 2000 (Extrait), Avril 1990-1, pp.61-62 |
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