Introduction

La présente introduction au manuel se fixe trois (3) principaux objectifs. Il s’agit de:

  • rappeler le processus et le contexte d’émergence du manuel
  • préciser l’esprit qui a présidé à son élaboration et qui, je l’espère, pourrait nourrir son utilisation
  • donner quelques conseils pratiques aux usagers.

Les lignes qui suivent ne doivent pas être assimilées à des ‘instructions’ qui ouvrent généralement les pages des manuels. Il s’agit plus exactement de diverses informations qui pourraient permettre à l’usager de mieux comprendre les limites et les potentiels de l’outil qu’il tient entre les mains. Ces informations seront d’autant plus utiles que lesdits usagers n’auraient pas pris part aux séances de formation ou d’échanges organisées dans divers pays autour de l’exploitation du manuel.

UN LONG PROCESSUS

L’histoire de ce manuel a commencé en septembre 1993, dans la cité historique d’Abomey. Un séminaire regroupait, sur l’initiative et la supervision du Dr Volker Mönikes, des participants de quelques pays africains : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Zaïre (aujourd’hui, République Démocratique du Congo), etc. Ces participants étaient d’origine et d’expériences diverses : officiers de police, de gendarmerie et de divers corps de l’armée ; enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur ; des prélats et pasteurs, des officiers et auxiliaires de justice, des politologues, sociologues, pédagogues et de nombreux membres d’Organisation Non Gouvernentales engagées dans l’éducation et l’action civiques. Cet atelier fit quelques constats et posa quelques jalons pour l’avenir, dont on pourrait résumer les grandes lignes comme suit :

  • les processus démocratiques enclenchés dans les différents pays ne pourraient se renforcer, ni se pérenniser tant qu’un accent particulier ne sera pas mis sur la formation civique des citoyens
  • la période des régimes d’exception et de dictature traversée par les différents pays, a laissé en héritage, des systèmes, des modèles ou des traces de formation civique des ‘citoyens’ : la question est de savoir si ces expériences, de par leur contenu et leurs méthodes sont compatibles avec les exigences du nouvel ordre constitutionnel et politique de démocratie pluraliste en édification ,
  • il importe de dynamiser la formation civique dans les pays africains, la rénover dans son contenu et dans ses méthodes pour en faire un outil au service de la liberté et de l’autonomisation des citoyens
  • il importe d’élaborer des outils pédagogiques nouveaux et adaptés : manuels, matériels didactiques, méthodes, etc.

Dans cette optique, une année plus tard, un autre séminaire, regroupant à peu près le mêmes participants que celui de Septembre 1993, avait entrepris de produire un épais document, comportant une vingtaine de modules de formation civique sur de nombreux thèmes. Le travail ne pouvait être achevé en l’espace des quelques jours que durait le séminaire. Une ONG, le Centre Afrika Obota (CAO), avait été sollicitée à travers ses représentants au séminaire, pour parachever l’œuvre. Le CAO avait dès lors entrepris un important travail de structuration du projet de manuel et de rédaction de ‘fiches pédagogiques’ pour chacun des thèmes. Ainsi, la Fondation Konrad Adenauer disposait-il en Août 1995, d’un document de base pour la confection d’un manuel d’éducation civique, issu de la concertation des divers acteurs engagés dans cette activité dans la sous-région ouest-africaine. Pour l’élaboration sous une forme techniquement mieux exploitable du manuel, la FKA eut recours aux services d’un consultant. Les travaux de ce consultant ont consisté à réaliser le manuel, c’est-à-dire :

  • opérer des choix (ramener par exemple le nombre de modules de formation à huit (8) au lieu de vingt (20) ou sélectionner les thèmes contenus dans chaque module)
  • améliorer le contenu et la forme des fiches proposées ou les rédiger
  • rechercher et sélectionner les matériels didactiques
  • animer les formations des animateurs qui devront exploiter le manuel
  • suivre l’exploitation de la version provisoire du manuel mise à disposition à partir d’Avril 1996 pour son amélioration
  • recueillir et traiter les réactions et amendements puis capitaliser les expériences faites avec le manuel dans différents pays, notamment le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et le Togo.

Le présent manuel est le fruit de ce long processus et de la fort précieuse contribution de nombreux et remarquables animateurs de l’action civique. Au-delà des individus connus ou restés anonymes, il convient de souligner particulièrement, l’irremplaçable rôle joué par les sections nationales du Centre Afrika Obota et de SOS-Civisme, Réseau des Animateurs de l’Action Civique.

L’ESPRIT

Ce manuel est conçu pour accompagner les efforts des animatrices et animateurs de l’action civique. Le contenu du manuel a été conçu à l’intention des usagers adultes de milieux socio-économiques et politiques divers. Il n’est ni partisan ni neutre.

L’éducation civique ne peut être une activité partisane. Certes, les organisations politiques (partis, mouvements, groupes, etc.) ont le devoir impératif d’initier à l’intention de leurs membres, entre autres formations, la formation civique, qu’il convient de distinguer de la formation idéologique et politique. Car, une formation idéologique et politique des membres d’une organisation politique, qui ne s’appuie pas sur et ne se nourrit pas d’une culture civique et républicaine produirait probablement des "citoyens" nuisibles à la démocratie et à l'Etat de droit. La culture civique et républicaine des citoyens (politiquement actifs ou non) se distingue fondamentalement de la culture idéologique et politique qu'un parti travaille à transmettre a ses "militants". On pourrait esquisser à grands traits quelques différences entre les deux types de formations (civique et politique).

 

 

Formation civique

Formation politique

Type idéal de Citoyen (produit de la formation)

Actif, engagé.

Actif, engagé.

Type de culture

Civique fondée sur la connaissance des droits et devoirs du citoyen, les valeurs fondamentales prônées par la Constitution, la recherche des possibilités d’une coexistence légitime et transparente des intérêts particuliers, compatibles avec la nécessité de vivre ensemble dans un espace géographique et culturel donné.

Politique et idéologique, fondée sur les visions, idées et programme spécifiques du parti politique. Pour exercer une certaine hégémonie et réaliser des majorités, les partis ont cependant recours à une rhétorique qui camoufle les intérêts particuliers qu’ils poursuivent, ne laissant transparaître avec clarté que ce qu’ils présentent comme ‘intérêt général’.

But et esprit

Subordonnés à l’obligation de vivre ensemble dans une société qui ne peut fonctionner sans un minimum de consensus et de règles communes, sans un minimum de prévisibilité de l’action des individus et des institutions, sans quelques valeurs partagées et contraignantes.

La sauvegarde d’un intérêt général qui rendent possible la promotion réelle des intérêts particuliers.

Subordonnés aux objectifs du parti, à sa tactique et à sa stratégie pour conquérir le pouvoir ou le conserver.

La sauvegarde d’un intérêt particulier, celui du parti, peu importe son projet de société.

Une distinction peut s’opérer entre les types de formation, au moins au niveau de l’esprit et du but desdites formations. Il serait simpliste et peu conforme à la réalité d’opposer les buts respectifs des deux types de formations. Une bonne intelligence des deux types de formation ne peut non plus conduire à magnifier la formation civique et diaboliser la formation idéologique et politique. Il s’sagi de deux dimensions légitimes de la formation d’un citoyen. Ma conviction est que tout citoyen (membre ou non d’un parti politique) a besoin d’une formation civique. En plus de la formation civique, le membre d’un parti devra utilement se former au plan idéologique et politique. La poursuite d’intérêts particuliers (entre autres, partisans) face à d’autres intérêts particuliers, dans le respect des règles du jeu, constitue le mécanisme réel de fonctionnement des sociétés modernes. Dans ces conditions, le respect des règles du jeu constitue un ‘intérêt général’, qui protège et sécurise chacun. L’une des attitudes partisanes fréquemment enregistrées consiste à violer les règles du jeu ou à les élaborer dans le but de promouvoir ses seuls intérêts particuliers (partisans) au détriment de ceux des autres composantes de la société et plus globalement, de la société elle-même.

L’esprit du présent manuel est d’accompagner la formation civique dans une vision pluraliste, résolument tournée vers la promotion des valeurs de liberté et de responsabilisation des citoyens des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Cette vision passe par l’information, le débat critique et l’engagement théorique pour démanteler les « mécanismes subtiles de psychologie collective par lesquels tout un peuple intériorise (…) les valeurs même qui l’oppriment », pour citer Paulin Hountondji. En cela, il se veut un outil de travail, pour accompagner les efforts des animatrices et animateurs de l’action civique pour élever le degré de citoyenneté dans les différents pays et favoriser ainsi la modernisation des systèmes politiques en place et l’amélioration des relations entre citoyens, ainsi que leur attitude face à la loi et au respect de la dignité humaine attachée à chaque personne. En cela, l’esprit de ce manuel n’est pas partisan et j’espère que son exploitation ne le sera pas. Il est arrivé que des documents de certains partis ou des textes rédigés par des politiciens connus soient proposés comme matériels didactiques. L’animatrice / animateurs veillera à exploiter lesdits documents ou d’autres du genre, d’une manière civique, en opérant les relativisations nécessaires.

Il est évident que l’animation civique à partir de ce manuel ne serait pas neutre au sens où elle ne servirait aucun intérêt. Non, cela n’est pas possible. Ce manuel se veut avant tout un outil au service de la démocratisation des systèmes politiques et sociaux en place. Il prend le parti de l’esprit contre l’abrutissement, il prend le parti du respect de la loi contre l’arbitraire - peu importe qui en profite - il prend le parti de l’engagement actif pour les transformations nécessaires dans la société et contre l’enfermement dans l’archaïsme.

INSTRUCTION CIVIQUE OU ANIMATION CIVIQUE

L’utilisation des termes ‘animation’, ‘animatrice / ‘animateur’ n’est pas fortuite. Elle traduit une option. Cette option devient plus explicative lorsqu’on procède à une comparaison entre ‘instruction’ et ‘animation’ civique.

 

 

Instruction Civique

Animation Civique

But

Bon citoyen

Bon citoyen

Nature Pédagogique

Enseignement, instruction

Education pour la liberté et la responsabilité (disposition à rendre compte, à être comptable de)

Type d’individus à former (résultat de la formation)

Tête bien pleine

Esprit critique, respectueux des lois et disposé à agir pour les transformations nécessaires dans la société

Type d’encadrement

Enseignant, Instructeur

Animateur, Compagnon

Style de communication

Directif, unilatéral, du pôle de la lumière et du savoir vers celui de l’ombre et de l’ignorance

Echanges, interaction, approches participatives

Matériels Didactiques

La parole du « Maître », concepts

Faits concrets, idées

Exigence par Rapport au bénéficiaire

Retenir, Mémoriser les préceptes

Internaliser les préceptes puis déboucher sur une Action

Perception du Bénéficiaire par L’encadrement

Table rase, ignorant, élève, personne à élever, à dresser

Personnalité ayant des convictions, des connaissances, des habitudes. Adulte, dont il faut accompagner la recomposition

 

 

 

Animation civique

L’option d’accompagner plutôt l’animation que l’instruction civique ne va pas de soi. On peut se poser à juste titre des questions sur l’animation en tant qu’activité et sur l’animatrice / animateur en tant qu’acteur social. Et comme le précise Pierre Moulinier dans l’extrait qui suit, on se rendra compte que l’animation pose les mêmes problèmes que la démocratie.

Nous avons comparé un jour l’animation et la démocratie (…). Le concept d’animation n’a-t-il pas une signification aussi riche que celui de démocratie; idéal à atteindre, exigence morale, dimension de la pensée et de l’action, mouvement (dans tous les sens du terme: organisation, agitation, passage d’un point à un autre, variation dans l’état d’un objet, tension vers…), mais aussi institution, domaine d’action, organisme, etc.

La démocratie se vit, n’est jamais parfaite, reste un idéal à atteindre, organise des forces, sert de référence morale supérieure, de pierre de touche au jugement, anime des organismes et des institutions, mais elle est quasiment impalpable, insaisissable, toujours en mouvement, abstraite; c’est une finalité pour laquelle on peut mourir mais qui n’est jamais réalisée.

L’animation, telle qu’elle est souvent définie, ressemble un peu à la démocratie. Et d’ailleurs on lui assigne fréquemment comme idéal celui de la ‘’démocratie culturelle’’. Mais cet idéal, lui non plus, n’est jamais atteint : qu’elle ait pour but de ‘’donner la culture à tous’’ ou de ‘’rendre chaque homme autonome’’, il s’agit de finalités extrêmes, dynamisantes mais inaccessibles, pour lesquelles également il n’est pas inconcevable que l’on donne sa vie et qui supposent une foi inébranlable dans les possibilités d’amélioration de l’homme et de la société.

Aucun pays ne refuse ouvertement cette finalité et tout le monde proclame son désir d’y parvenir. Et l’on demande à des ‘’animateurs’’ d’y travailler. Et l’on ‘’forme’’ pour cela des animateurs.

Mais que signifie concrètement l’animation ? En terme de métier. En terme de gestes professionnels. Qu’est-ce qui la différencie des professions voisines ? Et est-ce bien une profession ? N’est-ce pas plutôt une dimension de nombreuses professions ? Pas plus que n’existe la profession de ‘’’démocratie’’, même si les politiciens se veulent des ‘’démocrates professionnels’’, est-il concevable de se dire ‘’animateur’’ même s’il existe des ‘’animateurs professionnels’’ ? N’y a-t-il audace extrême, voire démagogie ou mégalomanie, à se vouloir tel ?

      Pierre Moulinier. La formation des animateurs culturels. Dossier documentaire, p. 18-19; Développement Culturel, UNESCO. Paris, non daté

LA COMPOSITION DU MANUEL

Ce manuel comprend huit (8) modules. Chaque module comprend un nombre varié de ‘cours’ ou plus exactement, de ‘fiches d’animation’. Chaque fiche d’animation aborde un thème spécifique. Chaque thème et le contenu proposé pourrait faire l’objet d’une animation de 90 à 120 minutes.

La structure de la fiche d’animation (ou cours)

Chaque fiche d’animation comprend généralement quatre (4) parties :

  • les objectifs
  • le contenu proposé
  • les suggestions de type méthodologique
  • les matériels didactiques proposés

Les objectifs

Les objectifs proposés aux séances d’animation ont été formulés d’une manière moins précise qu’il ne convient, au plan technique. En outre, les formulations sont faites sous forme de résultat. Il appartient à chaque animatrice ou animateur de reprendre, au besoin, les formulations de manière à les rendre plus spécifiques et plus adaptées à son contexte et à sa situation concrète.

Le contenu proposé

Il est évident que l’histoire de chaque peuple et de chaque pays a influencé notablement les modalités d’instauration (ou du rétablissement) de régimes démocratiques en Afrique de l’Ouest à partir des années 90. Les contenus proposés n’ont pas pu prendre en compte sur chaque point des spécificités de chaque pays. Le souci de prendre en compte le maximum de cas possible a conduit souvent à des formulations vagues et à des dispositions très générales. Il appartient à chaque animatrice et à chaque animateur d’adapter et de réécrire les fiches pédagogiques, en fonction de son contexte. Le contenu proposé pour chaque fiche comprend un nombre varié de points. L’animatrice ou l’animateur choisira les points qui lui paraîtront à la fois indispensables et pertinents pour son contexte. Pour chaque thème, les aspects indispensables sont ceux qui constituent des informations susceptibles de combler les besoins en matière de savoir et de savoir-faire. Ainsi, serait-il peu convenable d’animer une séance sur ‘la démocratie’ sans aborder les questions de liberté, d’égalité et de responsabilité (le fait d’être comptable, l’obligation de compte-rendu). Par contre, on peut se passer d’aborder la question des minorités (politique, religieuse, ethnique, etc.), si cette question n’a pas de pertinence dans le milieu ou le contexte. On aurait pu inclure dans le contenu de la fiche sur ‘la démocratie’, un point sur ‘le recours à la violence’ au regard des difficultés qu’éprouvent certains pays à gérer pacifiquement les opérations électorales et leurs résultats. La contenu proposé est donc indicatif. Encore une fois, l’animatrice / l’animateur reste souverain(e) dans ses choix.

Les suggestions de type méthodologique

Les expériences faites au cours de certaines animations ont conduit à énoncer quelques suggestions à l’intention des animateurs. Il s’agit quelquefois de mises en garde, de besoins de précautions ou d’indications tactiques pour conduire l’animation. Souvent aussi l’animatrice / l’animateur est invité(e) à vérifier si diverses informations contenues dans la fiche correspondent aux textes de son pays ou de son contexte associatif. L’attention est aussi bien souvent attirée sur diverses avancées dont on pourrait utilement s’inspirer ici ou là. Par exemple, la disposition constitutionnelle de la ‘pétition populaire’ au Burkina Faso constitue une avancée unique dans la sous-région, en vue de renforcer la (possibilité de) participation populaire à la gestion de la chose publique.

Les matériels didactiques proposés

La plupart des fiches sont accompagnées de propositions de matériels didactiques. Ces matériels sont surtout des textes. Il est fortement recommandé que les animateurs puisent dans le fond culturel local des ressources comme les chants, les contes et autres récits. Je me rends compte progressivement que ces ressources sont mal ou peu connues ou qu’en tant qu’animateur, on se rend peu compte de l’énorme potentialité qu’elles offrent. Je me souviens encore de cette démonstration magistrale d’un paysan qui me reprochait de compliquer les choses lors d’une animation où j’abordais la problématique de la séparation des pouvoirs et de son bien-fondé. Le paysan avait écouté, mais surtout compris mes contorsions linguistiques et mes douleurs presque physiques pour restituer dans ma langue maternelle des concepts et des idées que je pensais en français. Il me proposa d’expliquer à nouveau mes idées à l’assistance. En moins de cinq minutes (j'en avais pris plus de quinze), il expliqua à l'assistance qu’il convient de comparer les trois pouvoirs aux trois pierres, qui disposées dans un plan triangulaire constituaient le foyer pour faire la cuisine de l’épanouissement personnel et du développement du pays. Si les trois pierres sont trop rapprochées, le feu s’éteint et rien ne cuit. Par contre, si elles sont trop écartées, la marmite tombe sur le feu et l’éteint : rien ne cuit non plus. C’est donc dans le maintien par l’effort de tous d’une bonne et raisonnable distance entre les trois pierres du foyer que peut cuire le bon repas qui alimentera chacun et tous : l’épanouissement personnel et le développement du pays.

Face à une telle démonstration, l’assistance applaudit et nombre de participants déclarèrent que c’était grâce à ces images, qu’ils ont mieux compris cette ‘histoire’ de séparation de pouvoir, qui fait qu’il y a trop de ‘chefs et de disputes’…

Les animateurs de l’action civique exploiteront utilement les matériels didactiques proposés ici. Ils feront aussi œuvre fortement utile en collectant et si possible en transcrivant des matériels culturels de leurs milieux respectifs qui sauront être exploités, sans grande ambiguïté pour renforcer le degré de citoyenneté des uns et des autres, y compris les adultes analphabètes. L’analphabétisme n’est pas un frein à la compréhension des dispositions légales et des valeurs républicaines. Le problème, c’est l’inculture des ‘lettrés ‘ qui, bien souvent, pensent dans des catégories et schèmes culturels français et sont incapables de retrouver dans leur propre culture, des formes intelligibles pour communiquer avec la majorité des citoyens. Cela me surprend souvent que nombre d’intellectuels africains francophones incriminent l’analphabétisme des populations et espèrent que la démocratie pourra s’enraciner quand cet analphabétisme reculera. Ils ne s’imaginent pas souvent qu’il leur revient – en attendant que ne reculent les frontières de l’analphabétisme, contre lequel ils ne font généralement rien - de se cultiver …. dans leur propre culture.

Les textes ici proposés, pour la plupart peuvent permettrent à l’animateur de s’informer davantage, d’identifier divers aspects et différents angles de traitement d’un même problème. Il lui revient, encore une fois, d’en tirer l’inspiration pour s’adapter à son contexte, à son milieu.

Faudrait-il insister, les fiches d’animation sont des propositions. L’animateur doit en disposer. La seule recommandation impérative pourrait être de ne jamais oublier que ce manuel, comme la liberté, ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas. Mais c’est un service qui commence par soi et qui doit finir par les autres. C’est un service pour qu’aujourd’hui soit meilleur qu’hier et que demain le soit davantage.

C'est une entreprise d’apprentissage collectif pour accroître son degré d’autonomie personnelle. Le rôle de l’animatrice / animateur qui est d’accompagner cet apprentissage est forcément contraignant. La moindre des exigences est de se préparer en commençant par se poser des questions sur le public auquel il s’adresse.

Les conseils et questions de Renée et Jean Simonet (dans leur ouvrage : l’argumentation. Stratégie et Tactiques. Les Editions d’organisation, Paris, 1990,p. 46) pourraient d’ailleurs constituer un bon guide.
 



  • Comment votre auditoire est-il concerné par le thème de votre argumentation ?
  • Quel est son degré d’intérêt ?
  • Quel savoir a-t-il sur le sujet ?
  • Peut-il apprendre plus par votre intermédiaire ?
  • Quels sont ses objectifs ?
  • Quelles sont ses motivations ?
  • Quelles sont ses résistances ?
  • De quel système d’influence participe –t-il ?
  • Quelles sont ses croyances ?
  • Quelles sont ses positions idéologiques ?
  • Quel est son système de valeur ? Dans quelle mesure peut-il en changer ?
  • Quel est son niveau culturel ?
  • Quel langage est-il susceptible de comprendre ?
  • Dans quelle mesure est-il capable de vous critiquer ?
  • Comment êtes-vous perçu par lui ? Quel est votre degré de crédibilité ?

J’espère qu’en essayant de répondre à ces questions, l’animatrice / animateur trouve en lui-même, les ressources pour rendre les propositions de ce manuel plus pertinentes pour ses objectifs et pour son public. 

Dois-je insister sur le fait que la pratique permettra d’améliorer ce manuel ? Pour le personnel de l’institut Kilimandjaro, pour les collègues de la Fondation Konrad Adenauer, de Volker Mönikes à Holger Dix, en passant par Mathias Gbétoho, Sylvain Zinsou et Paul Dèhoumon, pour la multitude de collègues (complices qui travaillent quotidiennement à l’animation civique dans différents pays de l’Afrique de l’Ouest et pour moi-même, je crois savoir que le but n’est pas de proposer un manuel parfait. Il s’agit d’un outil qui devra se forger dans la pratique. Ici commence une intention. Dieu sait que seule l’action en fera une réalité et saura aider à renforcer son utilité.

 

Lazare M. Séhouéto
Institut Kilimandjaro, Cotonou (Bénin) 1995

 

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